RÉSILIENCE ET RÉSISTANCE : ET SI LA SURPRISE VENAIT DES AFRIQUE (S) ?
Depuis le tout début de crise en mars, nombre de chercheurs de philosophes, de journalistes, de cabinets de conseil et de statisticiens ont publié progressivement des études et des apports donnant une vision de plus en plus dramatique de la « catastrophe » à venir sur le Continent. Jusqu’au spectaculaire avis de l’OMS qui estime dans les 3 à 6 mois le cap de 10 millions de cas dépassé, et donc des centaines de milliers de victimes.
Et pourtant rien n’est moins sûr. L’un de mes amis burkinabè, un ancien dirigeant du PNUD, me le disait il y a quelques jours : près de 78% de la population a moins de 35 ans, avec un faible taux d’obésité, le BCG systématique contre la tuberculose et de longue date de la chloroquine contre le paludisme. Et puis, l’expérience des situations de crise à répétition, Ebola, choléra,… Enfin, force est de constater aussi que le temps de réaction politique a été très court dans presque tous les pays du continent, contrairement à la vieille Europe.
Face à des systèmes de santé fragiles et le plus souvent concentrés dans les grandes agglomérations urbaines, la mobilisation est verticale : la solution marocaine d’industrialiser la production de masques le rend maintenant et déjà, en quelques semaines, exportateur d’une partie de sa production. Sans attendre les introuvables respirateurs, le Sénégal en a lancé sa propre fabrication. Et il n’est pas le seul : la Côte d’Ivoire a lancé et bouclé son premier fonds financier Covid-19 de plus de 500 milliards de Fcfa.
D’un sujet initialement perçu comme exclusivement sanitaire, la crise est devenue beaucoup plus globale : avant tout une crise des sécurités -alimentaire, social et sécuritaire- de logistique, et même à très court terme, politique. Ne vient-on pas de voir que l’intégration économique africaine dont les premières mesures concrètes devaient entrer en vigueur en juillet été repoussée sine die ? Les restrictions de circulation et les fermetures des frontières ne vont-elles pas accélérer les problèmes de subsistance alimentaire ? Que faire des cultures si elles ne peuvent être récoltées et encore moins transportées et transformées ? Comment tenir dans le temps quand les IDE ont déjà chuté de 40% et le prix du baril sans espoir de tendance haussière sur un horizon visible ?
Les défis sont immenses et vont demander, pour y répondre, du temps et du courage ainsi qu’une forte confiance en soi. Certaines voix -et elles sont de plus en plus nombreuses- s’élèvent pour trouver et affirmer des solutions africaines aux Afrique(s) qui s’organisent, et l’idée n’est pas de quémander des remises de dettes (dont une grande partie est aujourd’hui privée), mais pour en faire quoi. Le continent n’attend pas ; l’entrepreneuriat, la jeunesse et la formidable capacité d’innovation se préparent déjà au lendemain.
A écouter mes amis du Sud, je me pose la question : sommes-nous entrés en Afrique dans une formidable résistance que le philosophe et sociologue Zygmunt Bauman caractérise par la société liquide en déclarant : « Le temps s’écoule, il n’avance plus » ? Si c’est le cas, ce sera bien du Sud que viendra la surprise du jour d’après.