Opinion | Eau secours !
Si la ressource hydrique n’est pas menacée d’épuisement, y accéder se révèle de plus en plus difficile, sous l’effet de la croissance démographique, du développement économique et de réglementations aux effets insuffisants estime Jean-Michel Arnaud.
Pollution et sécheresse sont les deux grands fléaux qui menacent l’approvisionnement en eau et font courir de graves risques sanitaires aux populations. Plus largement, ils affectent aussi l’économie et le développement.
Le volet économique
Un rapport de la Banque mondiale de 2019 montre que la détérioration de la qualité de l’eau entrave la croissance économique jusqu’à faire diminuer d’un tiers le PIB potentiel de certaines régions. Face à ces phénomènes, la France aurait bien tort de se croire à l’abri.
Comme d’autres États membres, elle peine à atteindre le bon état écologique de ses masses d’eau de surface et souterraines, objectif fixé à l’horizon 2027 par une directive-cadre de l’Union européenne. Les derniers chiffres disponibles de 2015 montrent que seulement 69 % des eaux souterraines et 63 % des eaux de surface correspondaient aux normes qualifiant un « bon état ».
Cette situation est en grande partie le fruit de l’agriculture et de l’élevage intensifs, et du recours massif aux engrais et pesticides. Pour y faire face, les initiatives se multiplient afin de protéger les zones de captage d’eau potable, en imposant le respect de zones tampons pour protéger les cours d’eau de l’épandage de pesticides ou en faisant appel à des dispositifs innovants, tels que les paiements pour services écologiques versés aux agriculteurs dont les pratiques préservent ces lieux de captage.
La réglementation : effective mais limitée
Sans disparaître complètement, les pollutions industrielles les plus spectaculaires, accidentelles ou chroniques, ont tendance à se résorber sous l’effet de réglementations toujours plus strictes.
C’est le cas en France, comme dans la plupart des économies avancées, mais beaucoup moins dans les pays émergents ou en développement qui abritent des productions particulièrement polluantes telles que l’industrie textile, massivement concentrée en Asie. Mais de nouveaux types de pollutions sont apparus, que les stations d’épuration ont grand-peine à éliminer.
On sait maintenant que les filtres des quelques 4.300 milliards de mégots de cigarettes jetés par terre chaque année polluent les eaux pendant quinze ans avant de se dégrader, rejetant ainsi une centaine de substances chimiques toxiques voire cancérigènes. Les vêtements de la « fast fashion » rejettent des fibres artificielles à chaque lessive, déversées ensuite dans les océans.
Quant au plastique, dont l’utilisation s’est répandue dans des proportions gigantesques ces dernières décennies, il n’est pas seulement responsable des tragiques images d’oiseaux ou poissons étouffés, mais se dégrade en microparticules qui absorbent les polluants et contribuent ainsi à la contamination des eaux, de la faune et de la flore.
Là encore, la réglementation évolue, quoique lentement, par exemple pour limiter le recours aux produits plastiques à usage unique. Mais il faudra une révolution des comportements pour freiner durablement le phénomène.
Stress hydrique
Le sujet de la pollution prend d’autant plus d’importance avec le développement du stress hydrique, l’accès limité à la ressource en eau. On estime que 40 % de la population mondiale est aujourd’hui confrontée à cette situation.
Sous l’effet de la croissance démographique, la quantité d’eau douce disponible par personne a été divisée par deux depuis 1960, et le réchauffement de la planète génère toujours plus de périodes de sécheresse et d’événements climatiques extrêmes.
La France n’échappe pas à cette menace, comme en témoignent les épisodes de sécheresse qui frappent une partie toujours plus importante de son territoire, 87 départements en 2019, et pour des périodes de plus en plus longues.
À court terme, une des pistes pour pallier cette situation réside dans la réutilisation des eaux usées, sur laquelle la France accuse un retard important avec un taux de recyclage inférieur à 1 %.
Elle pourrait trouver l’inspiration et les technologies chez d’autres, comme Israël et Singapour, tous deux confrontés à une situation géographique particulière. L’État hébreu, installé sur une zone particulièrement aride, utilise 80 % de ses eaux usées pour irriguer son agriculture, tandis que le dragon asiatique, enserré dans un territoire exigu, les utilise pour fournir de l’eau potable à ses habitants.
Par Jean-Michel Arnaud (vice-président de Publicis Consultants)
Sources : Les Echos