Hommage à Pierre-Frédéric Ténière-Buchot

Centralien, docteur en économie appliquée et en sciences de la gestion, Pierre-Frédéric TÉNIÈRE-BUCHOT (communément appelé PFTB) commence comme ingé-nieur consultant de 1969 à 1979, puis débute à l’agence de l’eau Seine-Normandie en tant qu’ad-joint de François VALIRON (pre-mier directeur général de l’agence de l’eau Seine-Normandie). Il y dé-veloppe le programme « Popole » – Politique de la Pollution des Eaux – (Futuribles 1973, La Houille Blanche 1974) et souligne l’impor-tance de développer les moyens financiers et d’accroître les redevances.

Professeur associé au Conserva-toire national des arts et métiers (CNAM), il y a assuré les cours de prospective et innovation techno-logique (1971-1976), politique de l’environnement (1976-1990) et développement durable (1990-2002).

l était proche de Michel ROCARD. Celui-ci, jeune inspecteur des fi-nances, avait rédigé en 1977 un rapport prenant la défense du sys-tème des agences de l’eau et des comités de bassin (dont il appré-ciait alors la dimension « auto -gestionnaire »). En 1989, PFTB est appelé par Michel ROCARD, Pre-mier ministre et Brice LALONDE, ministre de l’Environnement, à di-riger l’agence de l’eau Seine-Nor-mandie. Cette nomination marquait une rupture avec la tradition d’y désigner des hauts fonction-naires des corps techniques de l’État ; c’était un « joli coup », bien joué, fruit d’une belle audace cal-culée. Il y a apporté un regard et une dynamique radicalement nou-velle et a contribué au change-ment d’état d’esprit de nombreux acteurs. Fin négociateur et excel-lent tacticien, il a su y obtenir des renforcements spectaculaires des moyens des agences de l’eau. Son management a été diversement apprécié par ses équipes, qu’il a parfois déconcertées. Il y restera jusqu’en 1998 et en partira à re-gret. Durant cette période, il aura impulsé de nombreuses démar -ches : création de l’Académie de l’eau, du Cercle français pour l’eau, implication dans le Conseil mondial de l’eau. Sans hésitation, il engage l’agence de l’eau dans un programme d’action humanitaire qui sera ensuite juridiquement consolidé par la loi Oudin-Santini. Il poursuit et intensifie les classes d’eau, rompt avec la tradition de discrétion médiatique et de com-munication technique (page de pu-blicité sur le thème : « Cela ne se-rait pas arrivé à Mars si elle avait eu des agences de l’eau »)… Il y met en pratique les préceptes de ses enseignements qu’il avait ré-sumés dans son livre « L’ABC du pouvoir : agir, bâtir, conquérir… et sourire » (Éditions d’organisation, 1988). Cette expérience du pouvoir nourrira son deuxième livre « L’autre côté du miroir, manœuvres straté-giques » (Transition, 1999). Rap-ports de force mûrement établis, buts pragmatiques et concrets, agilité, imprévisibilité et créativité aux étapes décisives, communica-tion ciselée pour marquer les es-prits… on dirait aujourd’hui qu’il a su « imprimer » !

Après l’agence de l’eau, il a obtenu d’être nommé conseiller pour l’eau du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) de 1999 à 2002.

Son engagement associatif a été essentiel pour lui et très important pour la communauté de l’eau. Outre l’Astee dont il a été un pilier du comité des Affaires internatio-nales depuis sa création, le Parte-nariat français pour l’eau, l’Acadé-mie de l’eau, le Cercle français de l’eau, ont tous bénéficié de sa par-ticipation active. Il a aussi été un membre très impliqué du Think Tank (Re)Sources, trésorier puis président du PS Eau, et un soutien sans faille de Raymond JOST pour le Secrétariat international de l’eau – Solidarité Eau Europe. Il était aussi, secrétaire général de « Sciences et devenir de l’Homme » MURS (Mouvement Universel de la Responsabilité Scientifique). Quel -ques jours avant son décès brutal, il était toujours très actif dans toutes ces associations.

Conscient de l’importance des moyens de financement, il a porté au Conseil mondial de l’eau l’idée du « panel Camdessus » auquel il participera activement (« Finan-cing water for all », 2003) et qui inspirera le livre « EAU » que PFTB signera avec Michel CAMDESSUS, Bertrand BADRÉ et Ivan CHÉRET (Robert Laffont, 2004).

Homme charismatique aux for-mules et images ciselées, à l’hu-mour espiègle et décapant, esprit libre et créatif, sans peur et sans concession à l’égard des puis-sants, tour à tour imprécateur, bouffon du roi et conseiller du prince, il a marqué durablement les esprits des acteurs de l’eau sur les scènes française et internatio-nale. Derrière un cynisme et un pessimisme de façade, cet intel-lectuel brillant et modeste, obser-vateur éclairé d’une curiosité inex-tinguible et d’une culture im-mense, était un bon vivant fidèle à ses compagnons de route et un merveilleux ami. Mais surtout, il était soucieux de justice et attentif aux plus démunis. Sa volonté et la ténacité de ses engagements au service du bien commun étaient sans faille.

Gérard Payen Pierre-Alain Roche

Source : TSM

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