JOURNÉE MONDIALE DE L’EAU : ASSAINISSEMENT ET EAUX USÉES : DES « BOMBES » SANITAIRES AUX NOUVELLES RESSOURCES
L’absence d’assainissement, liée à une hygiène insuffisante constitue la première cause de mortalité et de morbidité au monde. 1,8 milliards boivent une eau polluée responsable de 842 000 morts par an. Le choix par les Nations-Unies de l’assainissement des eaux usées comme thématique de la journée mondiale de l’eau du 22 mars est une excellente nouvelle. Il constitue une reconnaissance par la communauté internationale de l’enjeu de santé publique et de protection d’environnement que constitue l’impérieuse collecte et dépollution des eaux usées. Il témoigne, dans le droit fil des objectifs du développement durable, de l’émergence d’une nouvelle approche de la problématique de l’eau au sein de laquelle la question des eaux usées est désormais conçue et traitée comme une filière, un continuum incluant la collecte, le traitement et la réutilisation des eaux usées, sans omettre le droit aux toilettes individuelles, condition essentielles de dignité humaine.
Cette journée, c’est aussi le résultat d’un plaidoyer de longue date en faveur de la prise en compte de l’assainissement dans les politiques publiques. Lors du sommet de Johannesburg sur le développement durable de 2002, nous étions fort peu nombreux à alerter sur les niveaux de pollution insoutenables de mégapoles dépassées par leur démographie. Le potentiel destructeur d’eaux usées ni collectées, ni traitées nous avait amené à parler de « bombes sanitaires » qui menacent non seulement les villes qui les engendrent mais les régions situées en aval. Evacuer les eaux usées en dehors des lieux d’habitation est une condition indispensable pour éviter que se propagent les maladies hydriques liées à la consommation d’eau souillée. Les traiter pour les renvoyer dans la nature dans des conditions acceptables pour le milieu récepteur, constitue un enjeu environnemental et social majeur. Seul l’assainissement urbain peut réduire la menace que représente le rejet incontrôlé des effluents.
Les effets du changement climatique sur la qualité et la disponibilité en eau de qualité, comme l’a montré la COP22 de Marrakech ont replacé le sujet de l’assainissement dans l’agenda climatique. Dans un contexte de stress hydrique, il est évident que l’eau est une ressource trop précieuse pour n’être utilisée qu’une fois avant d’être restituée à la nature. La fermeture locale du cycle de l’eau permet de recycler les eaux usées pour produire de l’eau à des fins industrielles ou agricoles et de disposer, là où on en a besoin, d’une nouvelle ressource de proximité. Les capacités mondiales pour le recyclage de l’eau usée devraient quadrupler au cours de la prochaine décennie.
Cette approche globale ne serait pas complète sans évoquer l’indispensable intégration de la gestion des eaux pluviales au système d’assainissement. La vulnérabilité des villes à l’égard de ces évènements et les pollutions liées au lessivage des sols doivent nous amener à repenser la gestion des eaux de pluie dans une logique de prévention des risques urbains.
Cette Journée mondiale de l’eau constitue ainsi une reconnaissance du rôle de l’assainissement non seulement pour la santé de tous, la préservation des milieux naturels et la résilience des villes, mais également pour l’émergence de ressources nouvelles et indispensables au développement.
La question est désormais dans le comment. Les solutions techniques existent, adaptées aux problématiques diverses des territoires. La responsabilité politique appartient désormais aux aménageurs des villes. C’est à eux de briser les silos, de rapprocher ressources et besoins de proximité, d’impliquer les populations concernées. Et si la reconnaissance de l’enjeu de l’assainissement, sujet un peu trivial cantonné autrefois aux égoutiers, devenait un formidable levier pour construire ensemble la ville dont nous avons besoin ?
Pierre Victoria,
Délégué général du Cercle Français de l’Eau
Directeur du développement durable de Veolia
Membre de (Re)sources