COP22 : CONFORTER LA PLACE DE L’EAU DANS L’AGENDA CLIMATIQUE (Paris)
Le changement climatique engendre des impacts directs sur les ressources naturelles, les écosystèmes et les sociétés et constitue la plus grave menace à laquelle est confrontée aujourd’hui l’humanité. Le secteur de l’eau est parmi les secteurs les plus affectés, comme le démontrent les observations et les projections établies par les experts scientifiques. Selon l’UNESCO, 90% des catastrophes naturelles sont liées à l’eau. Ce dérèglement climatique concerne l’accès à l’eau potable et à l’assainissement, la sécurité alimentaire, l’énergie, les écosystèmes aquatiques, la santé, l’éducation, la paix et amplifie les catastrophes liées à l’eau.
Pour contenir les effets du climat et adapter les sociétés et les secteurs impactés à ce changement, la plupart des pays ont proposé, dans leur contribution nationale, qu’une place importante soit réservée à l’eau dans l’Agenda climatique. Lors de la Cop21, l’eau a été pour la première fois présente dans une conférence sur le climat grâce à de nombreuses initiatives lancées à cette occasion, qu’il s’agira de conforter lors de la COP 22 pour en accroître l’ambition.
L’Agenda de l’Action, qui sélectionne des coalitions multi-acteurs à fort potentiel transformationnel recense à ce jour trois initiatives pour le secteur de l’eau :
- Le Pacte de Paris sur l’eau et l’adaptation au changement climatique dans les bassins, les fleuves, les lacs et les aquifères, dont plus de 340 signataires (organismes de bassin, gouvernements, autorités locales et nationales, entreprises, bailleurs, organisations de la société civile et organisations internationales) s’engagent à entreprendre des actions d’adaptation par l’amélioration de la gestion intégrée des ressources en eau;
- la Business Alliance for Water and Climate, par laquelle des entreprises s’engagent à mesurer et réduire leur empreinte en eau ;
- l’Alliance des Mégapoles pour l’eau et le climat, qui vise à adopter des mesures pour adapter leurs villes au changement climatique.
Une plus grande visibilité de ces initiatives et l’articulation entre elles devront être recherchées à l’occasion de la journée Eau qui aura lieu le 9 novembre lors de la COP22 à Marrakech.
Sur 119 contributions nationales à la Cop22, les trois priorités exprimées par les états pour l’adaptation sont l’eau (89), l’agriculture(82) et la santé (67). En organisant à Rabat en juillet dernier une conférence de haut niveau sur l’eau, le Maroc a manifesté clairement sa volonté de placer l’eau au cœur des enjeux climatiques.
L’initiative « Water for Africa » a été proposée à cette occasion par une vingtaine de ministres et hauts responsables africains qui ont participé à la table ronde ministérielle. Elle vise à sensibiliser la communauté internationale sur les défis de l’Afrique liés à l’accès à l’eau potable et aux services de l’assainissement, à la sécurité alimentaire, au déficit en infrastructure hydraulique… La voix de l’Afrique sera donc mise en valeur à Marrakech.
La communauté de l’eau doit saisir l’opportunité de ces processus décisionnels d’envergure pour parler d’une seule et même voix. Mais elle doit surtout nouer des alliances et des coopérations novatrices avec des secteurs, comme l’énergie et l’alimentation, qui ont des besoins croissants en eau pour satisfaire des demandes légitimes mais sont de plus en plus en compétition pour une eau disponible et de qualité. Le secteur de l’eau saura leur apporter les valeurs de partage et de coopération qui sont les siennes. Mais c’est bien en pensant en dehors de sa propre communauté, « out of the box » comme disent les anglo-saxons , que les enjeux de l’eau se replaceront au sein de l’Agenda climatique. Ce n’est donc pas seulement à la journée dédiée à l’eau que se joue son avenir. C’est à tous les débats sectoriels et à tous ceux qui concernent les enjeux de l’adaptation des territoires à la nouvelle donne climatique « Climate is water ». Profiter de la Cop22 pour inscrire durablement la question de l’eau dans l’agenda climatique, c’est l’un des enjeux majeurs de cette conférence. Les conditions de la réussite sont réunies, les acteurs sont en place. A nous saisir cette chance historique.
Pierre Victoria, directeur du développement durable de Veolia, délégué général du Cercle Français de l’Eau et membre de (Re)sources
A écouter en Podcast participation le 6 novembre de (Re)sources à l’émission RFI « le réchauffement climatique : enjeur majeur pour l’eau »