QUAND LE DROIT À L’EAU ET L’ÉNERGIE VAUT BIEN LE COMBAT DU CHANGEMENT CLIMATIQUE
Nous sommes encore loin de la norme OMS qui voudrait que l’homme puisse disposer « d’au moins 20 litres d’eau par personne et par jour à partir d’une eau salubre dans un rayon d’un kilomètre ». Que dire de l’accès à l’énergie dont la demande de consommation primaire va doubler d’ici 2050 ? Vertige des chiffres : quand l’habitant de Gaza en Palestine utilise 7l/jour, au Penjab en Inde 25 l/jour, en France déjà plus de 155 l/jour-même si la tendance est au déclin- aux États-Unis, la consommation quotidienne de chaque américain dépasse les 360l/jour. Que dire de la consommation d’électricité ? Encore une fois, les chiffres sont édifiants. Selon l’Agence Internationale de l’Énergie, en 2017, la RDC – pays de près de 90 millions d’habitants qui croît à la vitesse de 2,4% par an- consomme 97 KW/hab/an, l’Inde 1 697 KW/hab/an, la France 7.209 KW/hab/an. Cela reste très en deçà des États-Unis avec 12 573 KW/hab/an.
Le droit à l’accès à l’eau a fait d’indéniables progrès depuis 10 ans, tout au moins du point de vue de sa reconnaissance par les institutions internationales au travers, entre autres, des Objectifs de développement durable (« ODD ») 6 et 7 faisant de ce combat une sorte de tribune. Malheureusement, aucun objectif chiffré n’est prévu pour 2030
Michel Rocard avait coutume de dire « tout le problème de l’eau est d’abord politique », mais pour en faire un droit véritable toute la complexité demeure dans le caractère opposable que tout droit suppose. Vers qui ? Par qui ? Pour qui, précisément ? Au temps des impacts du changement climatique qui n’épargnent plus personne, le besoin premier d’assurer les « services essentiels » incline les décideurs à légiférer. Quelques initiatives se distinguent telles que Right2Water au niveau européen en 2014, les premiers pas législatifs dans la Loi mexicaine, l’inscription volontariste mais biaisée -exclusion du secteur privé- dans la constitution slovène (comme dans de nombreuses autres constitutions), il y a deux ans à peine. Le droit à l’accès à l’eau potable est affirmé de son côté en France par une loi de 2006 qui précisait notamment qu’il doit s’effectuer dans des conditions économiquement acceptables par tous.
Sur le plan international, le droit à l’accès à l’eau potable (et à l’assainissement)a été finalement reconnu comme un « droit de l’homme fondamental » par l’ONU le 28 juillet 2010. Ce droit découle directement « du droit à un niveau de vie suffisant ». Le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies a, par ailleurs, souligné « qu’il est inextricablement lié au droit au meilleur état de santé physique et mentale susceptible d’être atteint, ainsi qu’au droit à la vie et à la dignité ».
En outre, le droit à l’eau implique des obligations pour les Etats de,notamment,prendre des mesures pour rendre une eau de qualité accessible par tous-particulièrement aux plus vulnérables- de façon permanente et continue et à un prix abordable. Toutefois, les sociétés se doivent aussi de respecter ce droit humain fondamental. Cela implique, par exemple qu’elles doivent, dans leurs activités, tout mettre en œuvre pour éviter de la polluer ou de la gaspiller. En cas de défaillance, les entreprises se doivent de réparer les dommages subis par les victimes.La loi française de 2017 sur le devoir de vigilance en matière environnementale et de droits humains -laquelle découle des Principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’Homme de 2011- trouve au demeurant ici une application pour une mise en œuvre effective du respect par les entreprises de ce droit à l’eau.
Si les innovations et les révolutions digitales occupent aujourd’hui la plupart des acteurs du secteur des services essentiels, force est de constater qu’il n’y aura pas de solution globale. Soyons assez lucides pour le reconnaître et assez directs pour sortir de l’incantation. 25 COP plus tard, le refus de fixer de vrais objectifs chiffrés sur l’accès à l’eau potable et à l’assainissement pour tous engage la responsabilité des dirigeants bien sûr, mais pas seulement. À l’instar du changement climatique, plus personne ne peut plus prétendre un « je ne savais pas… ». Plus que jamais dans un monde ouvert, mais déséquilibré entre les différentes régions du monde ou même parfois au sein d’un même Etat, nous avons besoin de textes clairs et juridiquement contraignants qui sont nos passeports d’avenir.
Enfin, le droit à l’eau et celui à l’énergie sont au demeurant intimement liés et interdépendants, l’eau ne peut être produite que par de l’énergie dont elle dépend largement. Si le droit à l’eau a été consacré en 2010, ce n’est pas le cas du droit à l’énergie alors même qu’il faut les défendre ensemble. Ainsi se pose la question de leur reconnaissance comme un droit humain fondamental et la nécessité, à l’avenir, de placer la question de l’accès aux services essentiels au cœur du débat sur les droits humains.