IMPLIQUER LA GOUVERNANCE LOCALE DANS LA GESTION DES CRISES

Tribune de : Bertrand GALLETprésident de Acted, ancien directeur général de Cités Unies France (CUF) et membre de (Re)sources.


De plus en plus fréquemment, les pays du sud sont en proie à des situations de crise, qu’elles soient politiques, démographiques ou encore militaires. Ces crises répétées engendrent des mouvements de population, notamment depuis l’Afrique vers l’Europe, comme on le constate actuellement. Parallèlement, on voit se multiplier le nombre d’états fragiles voir d’états faillis – ce que l’on appelle les zones grises – c’est-à-dire des états qui ne sont plus capables de gérer les populations et leurs souffrances et dont le périmètre de pouvoir ne dépasse pas la capitale. A l’heure actuelle, 6% de la population mondiale vivrait dans des états faillis. Cette situation est favorable aux guerres civiles et au grand banditisme et contraint les populations à l’exil. Contre l’évidence, les pays développés cherchent à maintenir, à tout prix, la fiction d’un état responsable souverain qui ne correspond pas toujours à la réalité. 

En situation de crise, le dernier recours pour une population est pourtant l’élu et l’administration locale, et non les Nations Unies ou les ONG. Les collectivités locales sont présentes, avant et après les crises, pour la phase de reconstruction. Et si nous assistons globalement à une montée de la décentralisation des pouvoirs, cela ne vaut pas pour les finances et les moyens humains accordés au niveau local. Or, la décentralisation réelle et effective des pouvoirs au niveau local peut être une solution pour une gestion plus efficace des crises. 

S’il faut saluer l’action de la communauté internationale, les différentes instances multilatérales et non-gouvernementales qui apportent des financements conséquents, le système a montré ses limites, comme l’attestent Haïti ou l’Afghanistan où l’argent a été intentionnellement mal dirigé. Sans compter le gaspillage dû aux doublons et à l’éparpillement des aides. Cette situation a conduit les Nations-Unies à créer des clusters c’est-à-dire des structures qui coordonnent l’aide dans un domaine dédié comme l’eau, l’assainissement, l’éducation, les infrastructures, etc. Ces clusters se veulent une approche technique et technologique de réponse à des questions globales mais elles produisent aussi des effets pervers : par leur approche globale sur un pays ou une zone, elles ne tiennent pas compte des réalités locales et notamment des réalités politiques. A l’issue de la crise, les clusters, les agences des Nations Unies et les ONG quittent la zone, laissant les collectivités locales et les élus sans moyens réels, parce qu’ils n’ont pas été associés au travail des clusters. Sur ces territoires, considérant une certaine incapacité des élus à agir, sont alors mises en place par les Nations Unies des gouvernances parallèles…


Pour anticiper la crise, l’accompagner et préparer l’après-crise, il faut mener un travail de prévention qui intègre une phase de diagnostic, de formation des élus ou des fonctionnaires territoriaux sur les réponses à apporter aux crises, un dispositif d’alerte et de préparation des populations…. Pendant la crise, l’équipe municipale ou régionale doit pouvoir piloter l’ensemble des actions sur son territoire et organiser la collaboration avec tous les acteurs locaux et internationaux. La reconstruction, la réconciliation et le retour à la paix à l’issue de la crise relèvent des bailleurs du développement mais elle sont aussi de la compétence des équipes territoriales locales qui, en opposition au système global spécialisé des clusters, doivent être capables d’assurer une continuité entre l’avant et l’après crise, le passage de l’urgence au développement et répondre de façon continue aux préoccupations des populations.

Bertrand GALLET : président de Acted et ancien directeur général de Cités Unies France (CUF) depuis 1998. A ce titre, il agit activement pour le développement d’un tissu de coopérations entre localités à l’échelle française. Il est donc un expert du déploiement local pour une application efficace et effective de politiques d’envergure nationale voire mondiale.​Voir toutes les tribunes des membres

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