EAU POTABLE EN AFRIQUE : les solutions autonomes s’imposent en milieu rural
En matière d’accès à l’eau potable sur le continent africain, les zones rurales sont encore à la traîne. L’Afrique subsaharienne reste la région où le phénomène demeure le plus préoccupant avec 400 millions de personnes qui ne disposent pas d’une source sûre d’approvisionnement en eau potable, selon la Banque mondiale. Une grande partie de cette population se trouve en milieu rural. Afin d’améliorer la desserte dans ces territoires, les gouvernements se tournent de plus en plus vers des solutions autonomes.
Les pénuries d’eau potable en milieu rural en Afrique pourraient être causées par l’éloignement. Dans ces territoires, les villages sont généralement très distants des réseaux nationaux de distribution d’eau, d’où la difficulté (et le coût démesuré) d’effectuer des raccordements. Par ailleurs, le manque d’eau s’explique aussi par la vétusté des équipements qui sont de plus surutilisés. L’Afrique subsaharienne reste la région où l’approvisionnement en eau potable en milieu rural est le moins développé et où le déséquilibre « urbain-rural » est le plus accentué. Sur les 400 millions de personnes ne disposant pas d’une source sûre d’approvisionnement en eau potable, selon la Banque mondiale, une bonne partie se trouve en milieu rural.
Le défi est gigantesque, car 80 % des maladies en Afrique sont d’origine hydrique et le changement climatique durcit encore les conditions d’accès. Entre-temps, les gouvernements des pays situés au sud du Sahara ont mieux pris conscience de l’enjeu, ce qui a permis de faire baisser ce chiffre. L’accès à l’eau en milieu rural s’est amélioré aujourd’hui grâce à diverses solutions préconisées par les gouvernements d’Afrique subsaharienne. Parmi elles figurent les adductions d’eau potable (AEP).
Les AEP, au cœur de plusieurs politiques d’approvisionnement en eau potable
L’adduction d’eau potable (AEP) désigne l’ensemble des installations qui permettent la production et la distribution de l’eau potable. En Afrique, ce type d’installations est déployé par les gouvernements et les entreprises privées pour approvisionner en eau potable les populations dans les localités non raccordées aux réseaux d’eau national. De manière générale, l’AEP est un forage équipé d’un système de pompage mécanisé, lui-même relié à un réservoir de stockage et à un réseau de distribution d’eau (bornes-fontaines, etc.).
En Côte d’Ivoire notamment, le gouvernement souhaite garantir l’accès à l’eau potable à tous les Ivoiriens d’ici à 2030 à travers le programme « Eau pour tous », financé à hauteur de 1 320 milliards FCFA (environ 2,1 milliards d’euros). Dans ce cadre, l’Office national de l’eau potable (Onep) a réceptionné, en 2019, 36 ouvrages d’adduction d’eau potable au bénéfice des populations vivant dans les zones semi-urbaines. Le ministère ivoirien de l’Hydraulique, qui pilote le programme prévoit de construire davantage d’AEP en Côte d’Ivoire. Dans ce pays d’Afrique de l’Ouest, la couverture actuelle en eau potable est estimée à 82 %.
Un programme similaire est développé au Tchad. Il s’agit du Programme d’approvisionnement en eau potable et d’assainissement en milieux semi-urbain et rural (PAEPA SU MR). Il est mis en œuvre à travers plusieurs phases dans onze régions du pays d’Afrique centrale via des systèmes d’adductions d’eau potable. Le taux d’accès à l’eau potable dans ces régions varie entre 5 % et 42%. Il s’agit de Borkou (19 %), d’Ennedi (8 %), de Tibesti (5 %), de Mayo Kebbi Ouest (13 %), de Mayo Kebbi Est (22 %), de Tandjilé (31 %), de Logone Oriental (27 %), de Logone Occidental (16 %), de Mandoul (39 %), de Moyen Chari (42 %), de Salamat (40 %) et de Sila (27 %). Le PAEPA SU MR permettra, à terme, d’améliorer la couverture en eau potable des populations vivant dans les régions ciblées.
En Mauritanie, le gouvernement compte implanter 70 systèmes d’AEP et 25 mini-systèmes d’AEP dans le cadre de son projet d’eau potable et d’assainissement lancés dans les zones rurales et les petites villes. Dans les zones rurales situées dans les régions de Gorgol, Guidimakha et Assaba, le projet sectoriel permettra également la réhabilitation des systèmes d’AEP existants. Les 128 installations réhabilitées seront ensuite équipées de systèmes solaires hybrides.
Les AEP sont aussi massivement construites au Burkina Faso. Le Premier ministre burkinabè, Christophe Marie Joseph Dabiré a officiellement lancé en 2019, le programme d’approvisionnement en eau et assainissement (PAEA). Le programme dispose d’un volet hydraulique rural. Ainsi, le gouvernement de ce pays d’Afrique de l’Ouest prévoit de construire 90 systèmes d’AEP simplifiés, ainsi que 1 220 forages équipés de pompe à motricité humaine pour approvisionner 53 000 personnes en milieu rural.
Comme souligné plus haut, l’AEP comprend plusieurs composantes. Il est toutefois important de relever que certains de ces éléments peuvent, dans des cas spécifiques, faire l’objet de tout un projet.
La démocratisation des forages
Les forages font partir des solutions préconisées par les gouvernements des pays d’Afrique subsaharienne pour pallier les pénuries d’eau potable en milieu rural. On en distingue deux types. Les forages équipés de pompes à motricité humaine et les forages alimentés à l’électricité.
Les pompes à motricité humaines
Au Burkina Faso, le gouvernement met parallèlement en œuvre le Burkina Faso Regional Program (BFRP). L’initiative a conduit en janvier 2021 à la remise en service de 10 forages équipés de pompes à motricité humaine, ainsi que de deux puits de grands diamètres dans la commune rurale de Tangaye, région du Nord.
Toujours en Afrique de l’Ouest, notamment au Togo, le gouvernement a remis en service 30 forages équipés de pompes à motricité humaine (desservant, entre autres, 2 unités de soins et 7 écoles) et inauguré 344 nouveaux forages construits pour 161 écoles, 21 unités de soins et 162 communautés rurales. Ces réalisations s’inscrivent dans le cadre du Projet d’amélioration des conditions sanitaires en milieu scolaire et rural (Passco). Un projet similaire est en cours au Zimbabwe où le gouvernement a lancé en 2019 la construction de 600 forages dans huit provinces rurales. Les nouveaux forages sont équipés de pompes à motricité humaine. Chaque province disposera de 60 forages, améliorant ainsi l’accès à l’eau potable.
Les pompes alimentées à l’énergie solaire
En dehors du manque d’eau potable, les pays d’Afrique subsaharienne sont également confrontés aux problèmes de coupures d’électricité. C’est la raison pour laquelle les gouvernements privilégient désormais des motricités alternatives comme les forages équipés de pompes fonctionnant grâce à l’énergie solaire. En Gambie, les autorités ont lancé en août 2020 la quatrième phase du projet d’approvisionnement en eau potable en milieu rural. Ce volet du projet permettra la construction de 20 forages alimentés à l’énergie solaire. Les installations devraient fournir de l’eau potable à plus de 50 000 personnes dans les zones rurales de ce pays d’Afrique de l’Ouest.
Les projets mentionnés ne sont qu’un exemple de ce qui est réalisé aujourd’hui par les gouvernements africains pour pallier le manque d’eau potable dans les territoires. Ces actions soutenues sont dans certains pays par celles des entreprises (locales et privées) ou celles des organisations non gouvernementales, notamment à travers des solutions pratiques telles que des systèmes conteneurisés.
Les systèmes conteneurisés
Les systèmes conteneurisés de traitement de l’eau présentent un certain nombre d’avantages par rapport aux installations intégrées dans l’espace : processus d’installation court, transport simple, flexibilité et durabilité.
Au Rwanda, ce système est expérimenté depuis 2014 grâce à Christelle Kwizera. À ce jour, la jeune entrepreneure rwandaise a installé 86 mini-réseaux dans plusieurs localités urbaines et rurales du pays. Les dispositifs de filtrage d’eau (kiosques, filtres et pompes) conçus à travers sa start-up Water Access Rwanda permettent aujourd’hui à plus de 47 600 Rwandais d’accéder à l’eau potable.
Au Nigeria, l’entreprise sociale Impact Water a également installé ces systèmes de traitement d’eau dans au moins 5 000 écoles et universités nigérianes en 2018. Ces installations fournissent de l’eau potable à 1,8 million de jeunes en milieu rural. Impact Water Nigeria est également présente en Afrique de l’Est, notamment en Ouganda et au Kenya.
Des unités compactes degremont (UCD)
La Côte d’Ivoire a également engagé un important investissement (600 649 euros) pour renforcer l’approvisionnement en eau potable de sa population via des unités compactes degremont (UCD). Au moins 40 unités préfabriquées de potabilisation de l’eau, conçues par le groupe français Suez seront installées dans 31 « villes secondaires » du pays d’Afrique de l’Ouest. Les UCD disposent d’une capacité de 100 m3/h. Modulables et facile d’usage, elles sont utilisées pour le traitement des eaux souterraines et de surface.
Selon Suez, plus d’un million d’Ivoiriens bénéficieront d’une eau potable de qualité en l’espace de 2 ans grâce à ses unités compactes. Ce système d’approvisionnement en eau potable devrait être dupliqué dans les zones rurales de la Côte d’Ivoire où la demande en eau potable est plus forte encore. Selon le ministre de l’Hydaulique, Laurent Tchagba, ils pourraient venir combler en urgence le déficit sévère en eau potable des populations, tant dans les villes qu’en milieu rural
Au fil des ans et avec la persistance du changement climatique, principale cause de la sècheresse, l’utilisation de ses systèmes conteneurisés a évolué. On parle de plus en plus de systèmes conteneurisés de dessalement de l’eau saumâtre alimentés à l’énergie solaire. Ces systèmes sont davantage utilisés en Afrique de l’Est, Australe et du Nord où le phénomène de stress hydrique bat son plein. En Somalie par exemple, un système conteneurisé de dessalement de l’eau à l’énergie solaire installé en fin 2020 fournit de l’eau potable et pour la pisciculture, nécessaire à l’approvisionnement de 7000 personnes dans une localité rurale de la région du Sool.
Telle est la tendance en matière d’approvisionnement en eau potable en milieu rural en Afrique. Si les choses ont évolué depuis l’année 2000, beaucoup reste encore à faire pour garantir aux populations de ces territoires l’accès total et constant à ce droit fondamental : l’eau.
Inès Magoum
Source : Afrik21