AGIR COLLECTIVEMENT AUJOURD’HUI POUR AVOIR DEMAIN L’EAU ET L’ÉNERGIE POUR NOURRIR LA PLANÈTE

Tribune de : Gilbert Houngbo, Président du Fonds international de développement agricole (FIDA), Président de ONU Eau et membres de (Re)sources.

« Nos actions sont notre futur » est le thème de la journée mondiale de l’alimentation cette année. Or deux secteurs ont absolument besoin du renforcement de notre action aujourd’hui: l’eau et lesénergies renouvelables. En effet, comment allons-nous nourrir la planète dans les décennies prochaines avec moins d’eau et d’énergie dans un contexte de changement climatique?

Les petits exploitants agricoles des pays en développement sont au cœur des enjeux de sécurité alimentaire d’aujourd’hui et de demain. Ils sont tout d’abord les premiers concernés. La faim est un phénomène essentiellement rural: 75% des personnes qui souffrent de la faim vivent en zone rurale. Mais ils fournissent aussi 70% des calories alimentaires des pays en développement.

Demain, ils auront besoin d’eau et d’énergie pour produire plus et développer les chaînes de valeur agricoles pour répondre à la demande en produits alimentaires. Celle-ci devrait en effet augmenter de 60% d’ici 2050 tirée par l’augmentation de la population mondiale, l’urbanisation et l’évolution des modes de consommation.

Accéder à l’eau et à l’énergie est déjà un défi quotidien pour ces petits agriculteurs. La raréfaction de ces ressources et le changement climatique nécessitent que le secteur agricole dans son ensemble gère l’eau de manière plus efficiente et ait recours aux énergies renouvelables. Cela nécessite des solutions techniques et financières nouvelles et des partenariats innovants, notamment avec le secteur privé.

Ainsi, l’optimisation de la gestion de l’eau offre des perspectives intéressantes pour rassembler tous les utilisateurs de la même ressource au niveau des bassins-versants. Cela permet notamment de mettre en œuvre de manière efficace des techniques de conservation de l’eau et des sols et d’améliorer fortement la productivité de l’eau dans les systèmes pluviaux. L’agriculture pluviale fournit 60% des produits alimentaires au niveau mondial.

Les bienfaits environnementaux de ces techniques commencent à être quantifiés correctement – en particulier grâce à l’intérêt du secteur privé. Cela ouvre de nouvelles perspectives pour des partenariats publics privés plus intensifs.

Ainsi, le partenariat technique et financier mis en œuvre par le Nairobi Water Fund, inspiré d’exemples sud-américains, pourrait être répliqué ailleurs. Ce fonds est le premier fonds africain géré par un consortium de partenaires public/privé et des consommateurs d’eau. Il concerne le bassin de la rivière Tana qui approvisionne Nairobi. Il aide les petits agriculteurs à mettre en œuvre en amont des pratiques de conservation de l’eau et des sols pour une meilleure qualité de l’eau et gestion des flux.

Dans le cas des petits systèmes irrigués, il est nécessaire d’engager un dialogue avec le secteur privé local. Il reste non seulement encore du travail à faire pour adapter les technologies existantes aux contextes socio-économiques locaux et aux savoir-faire des agriculteurs familiaux. Mais, ces technologies doivent aussi être disponibles localement auprès de revendeurs d’équipements pour assurer leur entretien et utilisation sur le long terme.

D’autres changements de paradigmes sont nécessaires. Ainsi, l’épuisement des gisements de phosphore devrait conduire d’ici une trentaine d’année à une flambée des prix des engrais. Des outils de modélisation sont en cours d’élaboration pour mieux comprendre le cycle du phosphore et permettre ainsi de développer les technologies et partenariats indispensables au traitement des eaux usées et la réutilisation des nutriments.

Dans ce contexte, les autorités publiques auront à renforcer les capacités des institutions locales et nationales chargées de l’eau et mettre en place le cadre politique facilitant les investissements, une planification territoriale adéquate et inclusive, et le recours à des technologies efficaces.

L’adoption des énergies renouvelables par les petits exploitants est un immense chantier. Dans le monde, 2,7 milliards de personnes dépendent du bois ou du charbon de bois et 1,2 milliard n’ont pas accès à l’électricité. Environ 80% sont en Afrique Subsaharienne et en Asie du Sud et la plupart dans les zones rurales.

La mise en place de petits générateurs et réseaux d’électricité décentralisés à partir de l’énergie solaire est certainement une solution d’avenir à l’échelle des villages, mais nécessite là encore un engagement plus important du secteur privé qui ne doit pas se concevoir uniquement en fournisseur d’équipement, mais aussi en véritable partenaire économique, social et environnemental des petits agriculteurs, ceci avec le soutien du secteur public.

Les chantiers ne manquent pas. Nous devons donc agir aujourd’hui collectivement si nous voulons que les petits agriculteurs aient l’eau et l’énergie nécessaires pour nourrir la planète demain.

Gilbert Houngbo, Président du Fonds international de développement agricole (FIDA), Président de ONU Eau et membre de (Re)sources, il  a occupé la fonction de Premier ministre du Togo de 2008 à 2012. À ce titre, il a concentré les efforts du gouvernement vers l’amélioration substantielle dans les domaines de la règle de droit, les libertés civiles, la cohésion sociale, les réformes économiques, y compris le programme des pays pauvres très endettés (PPTE), la bonne gouvernance, le développement rural, l’amélioration sociale, croissance partagée. M. Houngbo a occupé le poste de Secrétaire général adjoint, administrateur adjoint et directeur du PNUD en Afrique. Il a dirigé les activités de développement économique et social du PNUD dans 45 pays de l’Afrique subsaharienne. Il a rejoint le PNUD en 1996 comme un expert financier et a servi à titre de contrôleur et de directeur des finances et de l’administration de 1998 à 2003. M. Houngbo a également une vaste expérience du secteur privé (1986 -1996) travaillant pour Price Waterhouse Canada, où il s’est spécialisé dans la rationalisation opérationnelle et financière,  des services de viabilité et du redressement financier. En 2013, il a rejoint l’Organisation Internationale du Travail au poste de Directeur Général adjoint pour les programmes extérieurs et les partenariats.

www.ifad.org

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